ROQUEFORT Félix, François, Xavier - Pseudonyme dans la clandestinité : Raynal
Né le 12 décembre 1913 à Lastours (Aude), mort le 25 novembre 1982 à Conques-sur-Orbiel (Aude) ; ouvrier mineur, puis aide-chimiste ; militant SFIO puis communiste, secrétaire de la fédération PCF de l’Aude (1959-1972) ; syndicaliste CGT ; résistant, lieutenant FFI, membre du Mouvement de Libération Nationale (MLN) puis du Comité régional de Libération de la R3 (région de Montpellier) ; maire de Conques-sur-Orbiel (1944-1982) ; conseiller général de l’Aude ; député (1956-1958).
Fils d’un mécanicien militant socialiste et d’une militante communiste (couturière de profession, si l’on en croit le Dictionnaire des Parlementaires), Félix Roquefort naquit dans une famille ouvrière de l’Aude, à Lastours, commune située à 16 km de Carcassonne. Il avait cinq frères et sœurs, qu’il décrivait tous comme membres du Parti communiste en 1945.
En juin 1926, il obtint le Certificat d’études primaires, puis suivit quelque temps des cours par correspondance jusqu’au niveau du brevet élémentaire, qu’il n’obtint pas.
D’abord manœuvre dans une entreprise de maçonnerie à Villeneuve-Minervois (Aude), il travailla dès novembre 1926 à la forge des mines de Villanière. La forge préparait les burins des mineurs : on extrayait dans ce bassin minier de l’or et de l’arsenic.
Après la forge, en octobre 1928, il continua à travailler comme manœuvre aux usines de la Combe du Sault qui traitaient le minerai de Salsigne, puis à l’usine de flottaison à partir de 1931.
Dans des conditions pénibles, il travaillait alors jusqu’à 60 heures par semaine, conditions que la crise des années 1930 rendit plus difficiles encore.
Son père, qui travaillait dans la même usine, mourut en novembre 1933. Avec sa disparition, sa famille perdit le droit d’occuper un logement de la cité ouvrière de la Combe du Sault. Elle fut expulsée et parvint à se reloger à Conques-sur-Orbiel.
Adhérent aux Jeunesses socialistes en 1930, Félix Roquefort rejoignit également, en 1933, la CGT. Entré à la mine de Salsigne, il y prit part à la constitution d’une section syndicale CGT dont il fut le trésorier jusqu’en 1939. Ses activités militantes lui valurent en 1935 un licenciement, une semaine avant le début du service militaire qu’il accomplit jusqu’en août 1936.
Il avait été affecté à Nîmes (Gard) au 19e Régiment d’infanterie en avril 1935. Réintégré après son retour en août 1936, Félix Roquefort revint aux mines de Salsigne où il fut affecté à la charge des fours où l’on fondait le minerai. Il fonda, cette année, de grands espoirs dans le mouvement du Front populaire.
Il fut à nouveau menacé de licenciement après la grève du 30 novembre 1938, mais la direction de la mine recula devant la pression de ses camarades. Adhérent du Parti socialiste SFIO, il fut secrétaire adjoint de sa section et se positionna contre les accords de Munich en 1938.
Félix Roquefort fut rappelé à l’Armée le 26 août 1939. Il fut d’abord mobilisé au 2e Régiment d’artillerie coloniale à Nîmes (Gard) avant d’être envoyé à Bernis, une commune située à une dizaine de kilomètres de Nîmes, où il resta environ trois mois.
Puis ce fut l’Isère, près de Grenoble, où il fut affecté aux transmissions. Au printemps de 1940, sa batterie fut déplacée à proximité de Cannes (Alpes-Maritimes). Mais quand l’Italie déclara la guerre à la France, la batterie fut envoyée en direction du front allemand.
La rapide invasion allemande engendrait l’exode des civils et la retraite des forces françaises ; Félix Roquefort et ses compagnons ne dépassèrent pas Montereau. L’ordre de repli leur fut signifié le 15 juin.
Il fut fait prisonnier non loin de Gien le 18 juin 1940. Transféré en train près de Saint-Quentin, il fut d’abord chargé avec une quarantaine de prisonniers de faire la moisson. Il faisait partie des prisonniers maintenus en France pour pallier le manque de main-d’œuvre.
Durant ses mois de captivité, il fut interné à Sens (Yonne), Romilly-sur-Seine (Aube), puis à Croix-Fonsomme (Aisne). Mais un départ pour l’Allemagne restait probable.
Le 20 novembre, avec un autre Audois, il parvint à s’évader. Les Allemands étant à Bordeaux, ils purent prendre un train à Paris pour cette destination. Après avoir réussi le 25 novembre à passer la ligne de démarcation, ils se firent démobiliser à La Réole et prirent un train pour Carcassonne dès le 26 novembre.
Félix Roquefort revint aux mines de Salsigne qui employait alors 1 100 salariés à la fin de novembre 1940.
Il renoua avec la CGT, qui devait se réunifier en avril 1943.
Sous la direction de Janvier, dirigeant régional en Languedoc-Roussillon, il intégra l’organisation clandestine de l’Action ouvrière et devint résistant à Béziers (Hérault).
Il reconstitua dans la clandestinité l’Union départementale CGT de l’Aude et prit le pseudonyme de Raynal. Par l’intermédiaire de son beau-frère, le commandant Armagnac, Félix Roquefort avait intégré les MUR (plus tard, Mouvement de libération nationale (MLN), associés à l’Armée secrète. En 1941 et 1942, son activité consista essentiellement en des distributions de tracts clandestins.
Au début de l’année 1944, Félix Roquefort adhéra au PCF clandestin. Malgré l’interdiction, il y eut des grèves en avril 1944 qui aboutirent l’augmentation des salaires.
Il prit part à nombre d’actions de la Résistance audoise : avant l’occupation de la Zone sud, il avait ainsi prit part aux manifestations du 14 juillet 1942 à Carcassonne, et de l’anniversaire de Valmy le 20 septembre ; pendant l’occupation allemande, aux sabotages menés à l’encontre des intérêts allemands (transports, communications).
À la mine, par exemple, le câble aérien transporteur du minerai fut mis hors d’usage en janvier 1944, puis, en mars, ce furent des pompes et, en juin, des pylônes.
L’Action ouvrière, une branche armée de Combat, dirigée par Gérald Suberville, créa des districts ouvriers à la gare de Carcassonne et aux mines de Salsigne où le beau-frère de Félix Roquefort, Antoine Armagnac, fut un dirigeant de la Résistance.
Quant à Félix Roquefort, il entra dans le Collectif régional qui dirigeait l’Action ouvrière et prit le pseudonyme de « Cantal ». Dès lors, il eut à se déplacer souvent entre Béziers, les bassins miniers de l’Hérault et sa région d’origine où l’action résistante se tourna résolument vers les sabotages et les maquis : les premiers maquis, en juin 1943, s’ouvrirent surtout aux réfractaires au Service du travail obligatoire (STO).
L’année la plus dure, 1944, fut celle de la répression par la Milice qui vint piller à Conques les logis de Roquefort et d’Armagnac que Gilbert de Chambrun avait choisi pour diriger les CFL (Corps-francs de la Libération), dans l’Aude.
Le maquis Armagnac comptait environ soixante-dix hommes en juin 1944.
Très mobile, il était ravitaillé par parachutages depuis le début de l’année. Un de ses points de refuge était la grotte de Trassanel.
Attaqués par les Allemands le 8 août, les membres du maquis virent quinze des leurs, dont Antoine Armagnac*, périr. Trente autres furent fait prisonniers et vingt-six d’entre eux exécutés.
Deux frères de Félix Roquefort furent tués : Pierre, né en 1923 fusillé sommaire à Baudrigue, commune de Roullens, Aude (Voir Batlle Simon), et Christophe, né en 1928, mort au combat à Trassanel.
Cette même année 1944, Félix Roquefort avait prit le pseudonyme de Cantal et était devenu chef régional de l’Action ouvrière. Le 15 août, il fut arrêté à proximité de Nissan (Hérault) mais parvint à s’évader quelques heures plus tard en enfourchant son vélo et en évitant miraculeusement les tirs de deux soldats allemands.
Représentant de la CGT clandestine dans l’Hérault, il eut aussi des responsabilités au niveau régional et avait été nommé en avril 1944 au Comité régional de Libération (CRL).
Cet important organisme de la Résistance avait connu un précédent, né à la seule initiative du Front national, qui avait réuni un premier CRL le 17 octobre 1943 chez le professeur Villeneuve à Montpellier.
Nous ne possédons pas le procès-verbal de cette réunion mais elle est attestée par un procès-verbal du 2ème CRL, daté du 14 mars 1945.
C’est ce deuxième CRL, constitué dans la clandestinité puisque sa première réunion eut lieu le 28 juin 1944, qui créa les Comités départementaux de la Libération.
Il avait été constitué à Monteil, près de Villefranche-de-Rouergue (Aveyron). Son premier président fut Gilbert de Chambrun, chef régional des MUR. Il céda la présidence à son ami Lucien Roubaud (alias Astier), professeur de philosophie audois, quand il prit la tête des FFI.
La formation du CRL fut difficile en raison de la tension qui existait entre les socialistes et Gilbert de Chambrun. Francis Missa et tentèrent de s’opposer à ce que le mandat réservé à la CGT fût confié à Félix Roquefort car ce dernier, ex-confédéré, en était venu à des positions unitaires.
Finalement, il fut intégré dans le comité plénier qui compta dix-huit membres. Il y avait toute sa place en tant que membre de la direction de l’Action ouvrière, du bureau des syndicats des mineurs de Salsigne et de l’Union départementale des syndicats ouvriers de l’Aude. Félix Roquefort avait rencontré Jacques Bounin, commissaire de la République à Montpellier le 14 juillet 1944.
Après la Libération, le CRL participa activement aux tâches du commissariat de la République. Félix Roquefort fut également membre du Comité départemental de Libération de l’Aude.
Membre du comité fédéral PCF de l’Aude à la Libération, Félix Roquefort fut élu l’année suivante au bureau fédéral. Il militait alors à la cellule locale de Conques-sur-Orbiel.
En janvier 1945, il suivit une école régionale du Parti communiste à Montpellier (Hérault) puis, en mai-juin de la même année, une école centrale du parti à Arcueil (Seine, Val-de-Marne)
Réélu au bureau fédéral jusqu’en 1954, il intégra le secrétariat fédéral en 1959. Il devint alors permanent, en charge des questions paysannes, et demeura au secrétariat jusqu’en 1972.
Membre du bureau fédéral jusqu’en 1974, il siégea ensuite au comité fédéral jusqu’en 1977 car, en désaccord avec le parti sur la politique d’union de la gauche, il avait formulé sa demande de retrait de toute responsabilité fédérale, affirmant que sa décision était irrévocable.
Syndicaliste CGT, Félix Roquefort avait été permanent à l’Union départementale des syndicats ouvriers de l’Aude à la Libération, en tant que secrétaire administratif.
En 1945, un responsable du PCF soulignait qu’il était « très estimé dans le mouvement syndical, en particulier dans le Cabardès et chez les mineurs ».
Il resta en poste dans les années 1950 et devint membre du conseil national de la Fédération CGT du Sous-sol.
Sur le plan politique, Félix Roquefort était devenu maire de Conques-sur-Orbiel et conseiller général de l’Aude à la Libération.
Dans sa municipalité, il fut à l’origine de la construction de plusieurs infrastructures, dont une salle des fêtes et des installations sportives.
En 1955, il fut candidat au Conseil de la République mais ne fut pas élu et, en 1956, fut élu député de l’Aude. Il siégea alors à la commission des boissons et à celle de la production industrielle où, si l’on en croit les témoignages et hommages post-mortem, il défendit les mineurs et viticulteurs de son Aude natale.
À compter de 1958, il fut candidat à de nombreuses élections sans toutefois parvenir à se faire élire, que ce soit au Sénat (1959, 1962, 1967, 1971) ou à l’Assemblée nationale (1962, 1967, 1968, 1973).
Médaillé de la Résistance, Félix Roquefort a été homologué au grade de lieutenant FFI. La salle des fêtes qu’il avait fait construire durant son mandat de maire de Conques-sur-Orbiel a pris son nom. Une stèle à son effigie figure dans la ville, où une cérémonie annuelle, le 11 novembre, lui rend hommage depuis son décès.




Abbé Gau : une vie au service des autres
L’Abbé Gau, Albert de son prénom, est né le 10 juillet 1910 à Conques sur Orbiel. Son père est tué lors de la première guerre mondiale alors qu’il n’a que six ans. Il en restera traumatisé.
Après le petit et le grand séminaire, il est ordonné prêtre en 1934. Sa fibre patriotique qui ne le quittera jamais, lui dicte la désobéissance au nazisme et au maréchal Pétain ... Il est mobilisé en 1939.
Érudit déterminé, il fonde un journal mensuel portant le titre : Le Midi Social. L’abbé Gau a été un républicain, un patriote et un humaniste. Christian Rouzaud, correspondant à Espezel se souvient « Très jeune, j’ai connu l'Abbé Gau et surpris qu'un prêtre tienne une réunion politique. Pour l’époque ce n’était pas banal. Il faisait sa campagne pour la députation. Un ritou que fa de la poulitico, ... cela m'avait étonné ! ». L'Abbé Gau devient en août 1944, membre du Comité départemental de la Libération. Dès 1941, il lutte contre l'idéologie nazie, à une époque où, comme il dit : il n'y avait pas foule au portillon de la clandestinité. À Bram, à partir des années 50, ses plus grandes actions se concrétiseront dans le domaine social. Le marquis Charles de Lordat lui confie le domaine de Sainte-Gemme, il y crée un centre éducatif accueillant des jeunes filles en difficulté scolaire. A la vente du château, Albert Gau, s’active pour recueillir des fonds, afin de créer un Centre d’Aide par le Travail. Au début des années 70, il est à l’origine de la création du Centre de Lordat, maison de convalescence installée jusqu’en 2016 à Sainte-Gemme. Albert Gau a lutté tout au long de son existence contre toutes les formes d’injustices. Résistant pendant la Seconde guerre mondiale, il a sauvé des juifs de la Déportation en les cachant, et en leur fournissant de faux papiers. Ces actes d’héroïsme lui vaudront la médaille de la Résistance et le titre de "Juste parmi les nations" décerné en 1986 par l’État d’Israël. Il sera élu député de l’Aude au sein du Mouvement Républicain Populaire de 1945 à 1956, et siégera aux côtés du communiste Félix Roquefort et du socialiste Georges Guille. Plusieurs propositions de loi marquantes sont à son actif, très en avance sur son temps, comme l’abolition de la peine de mort, dès 1947. Il s’est engagé à plusieurs reprises, contre le racisme et la torture en Algérie, confirmant ses valeurs humanistes. Viticulteurs, mineurs de Salsigne et jeunes en difficulté ont trouvé en lui un relais essentiel pour les soutenir et faire remonter leurs revendications au sommet de l’Etat. Il décède le 14 mai 1993 à Bram et repose au cimetière de Conques, son village natal. Le temps passe et pour son anniversaire de sa mort, il était important de rappeler sa singulière personnalité et son engagement sans faille : résistant, journaliste, député et Juste parmi les nations.